Elisabeth Badinter vient de publier « Le Conflit. La femme ou la mère », où elle retrace les difficultés pour les femmes de s’investir à la fois dans leur vie professionnelle et leur vie familiale.
Elisabeth Badinter cite les travaux de Neil Gilbert qui montre comment cette situation a créé une hétérogénéité des choix féminins en distinguant 4 styles de vie selon l’importance accordée au travail et à la famille : les traditionnelles, les néo-traditionnelles, les modernes et les post-modernes[1]. A une extrémité, les traditionnelles (3 enfants et plus) qui trouvent leur épanouissement dans la gestion de leur maison et l’éducation de leurs enfants. Elles peuvent néanmoins avoir fait des études et travaillé mais ont mis leur carrière entre parenthèses. Leur proportion est passée de 59% en 1976 à 29% en 2002, soit moins 30%. A l’autre extrémité, les post-modernes, les femmes sans enfants dont le nombre a augmenté de près de 20% durant la même période. En général très éduquées, elles trouvent leur épanouissement dans leur réussite professionnelle.
Face à cette hétérogénéité des choix féminins, Elisabeth Badinter évoque également les travaux de Catherine Hakim [2] qui note une homogénéité des intérêts chez les hommes pendant la période clef des 25-50 ans : « ils recherchent l’argent, le pouvoir et un statut avec une grande détermination et persévérance ».
Pourtant, même si les hommes ne se posent pas la question de choisir entre faire carrière ou faire des enfants, les mentalités évoluent. Une étude d’EQUILIBRES publiée en 2008, Les pères managers en quête d’équilibre, montre une évolution des mentalités : « Deux pères cadres sur trois sont en quête d’équilibre de vie tout en souhaitant préserver leur engagement professionnel ». Récemment, la publication d’un recueil de témoignages de dirigeants sur leur condition de père a attiré l’attention des médias (Les patrons papas). Ceux-ci appartiennent probablement aux catégories des équilibristes (« refus du clivage, investissement sur la sphère professionnelle et privée équivalents »[3]) et des égalitaires (« hypersensibles à la problématique de l’équilibre et qui veulent que le quotidien au travail s’adapte aux impératifs familiaux »), tels qu’expliqués dans le rapport de l’ORSE[4] sur Promouvoir la parentalité auprès des salariés masculins. Ces deux catégories d’hommes sont opposées à celle des pourvoyeurs de revenus (« qui construisent leur identité d’homme à travers le travail et prennent très peu en charge les tâches domestiques et familiales »). Ils font pression sur l’entreprise pour qu’elle adapte son fonctionnement et mette en place des actions pour les parents (et pas seulement pour les mères).
Serions nous en train de découvrir que des dirigeants, dont on pourrait croire qu’ils sont d’abord des « pourvoyeurs de revenus » peuvent aussi être des équilibristes, voire des égalitaires ?
A la bonne heure, les bébés ne s’en porteront que mieux, et les mères aussi !
[1] Le Conflit, page 40. Référence à A Mother’s Work. How Feminism, the Market and Policy Shape Family Life,
publié en 2008, de Neil Gilbert.
[2] Work-Life choices in the
21st Century, publié en 2000, Catherine Hakim.
[3] Promouvoir la parentalité
auprès des salariés masculins, ORSE, p. 8.
[4] ORSE : Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des
Entreprises
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