Quel meilleur témoin de la relation entre le pouvoir et les femmes que le titre donné aux femmes qui ont du pouvoir ? Ou tout simplement le titre donné aux femmes qui investissent des sphères masculines ?
Je me rappelle très bien de la discussion que j’ai eue avec ma collaboratrice quand il a fallu faire mes cartes de visite en tant que DRH. A la question de mon titre, je lui ai répondu «Directrice des Ressources Humaines». Elle m’a demandé 3 fois si j’étais sûre, avant de me dire qu’elle trouvait que pour une femme, «Directeur des Ressources Humaines, cela fait plus sérieux, et Directrice, cela fait un peu maîtresse d’école».
Est-ce à dire que lorsque les femmes arrivent dans des sphères de pouvoir, il est nécessaire pour se faire respecter de se parer d’une image masculine ? Ce type de discussion est loin d’être neutre. En son temps, nous avons entendu des débats passionnés sur le thème « Faut-il dire Madame LA Ministre ou Madame LE Ministre » ? Et pour être honnête, certaines femmes elles-mêmes préfèrent garder un titre masculin.
Vous l'aurez compris, je suis une franche partisane de la féminisation des noms : je dis toujours une avocate (même si l’usage veut que l'on utilise le masculin), Madame LA juge, Madame LA Présidente, etc. Je ne m'imagine pas en train de dire "Madame LE Garde des Sceaux Rachida Dati est enceinte" ! Pouvoir et féminité ne sont pas incompatibles, même au niveau des titres.
Ce débat peut sembler dépassé ou ridicule. La nomination de Sarah Palin comme colistière de McCain sur le ticket républicain aux Etats-Unis a pourtant entrainé un véritable débat dans le quotidien le Monde suite à l’utilisation samedi 30 Août du titre de « Gouverneuse » pour Sarah Palin (article : Gouverneuses Gouverneures). Selon nos amis québécois, passés maîtres dans la création de nouveaux noms français, la logique voulait que l’on dise Gouverneure. Le débat, qui peut sembler anodin, reste passionné : il a inspiré des dizaines de commentaires sur le blog du Monde ; et au fond, il nous renvoie aussi à la définition « habituelle » du mot Gouverneure, c'est-à-dire… femme du Gouverneur !
Bien évidemment, cela pose la question des titres masculins des métiers féminins. Quel est donc le masculin de sage-femme ? Il paraît que c’est « maïeuticien ». Vous vous demandez pourquoi ? Je ne peux résister à l’envie de reproduire ici la réponse et le commentaire de nos amis canadiens, qui avec le recul de quelques milliers de kilomètres, observent nos débats français sur le sujet. Ci-dessous donc l’article de l’OFA (Office of Francophone Affairs), dont la conclusion et le dernier point sur le rapport des français au genre des métiers me semble savoureuse (article : A juste titre) :
Début de citation :
« Les sages-femmes en cravate
L'accès des hommes à la profession de sage-femme en France a exigé la création d'un nouveau titre, à cause de la résistance envers l'équivalent masculin sage-homme. En 1980 l'Académie française recommande le terme maïeuticien, dont Le Petit Robert donne cette définition en 2003 : « Homme qui exerce la profession de sage-femme ». Voici les conclusions qu'on peut en tirer...
- Comme l'ont fait les femmes, les hommes ont ressenti le besoin d'utiliser un terme qui les désigne lorsqu'ils exercent un métier traditionnellement féminin.
- L'aspect savant de maïeuticien donne à la profession un prestige certain, à cause de son manque de transparence.
- Maïeuticien s'emploie seulement pour les hommes, son caractère prestigieux s'applique donc au titre masculin de la profession. Les sages-femmes, elles, demeurent des sages-femmes.
Enfin, il convient de mentionner que, en 2005, les milieux de la santé (et les mamans) utilisent sage-homme, au Canada comme en Europe, et même en Afrique francophone. »
Fin de citation… Heureusement que nos amis canadiens ont de l'humour ! Mesdames, Messieurs, si cet article vous inspire des commentaires, à vos plumes...
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